Les
ouvreurs
(Plaisir avant d'applaudir)
Il
y en a parmi vous
qui êtes venus
seuls ? Allez ! Osez lever la main ! C’est tout ? Tous les autres sont
accompagnés ?
Moi,
je préfère aller seule au spectacle. Ben oui ! J’arrive quand je veux,
je repars quand je veux, pas de problème, surtout si je veux m’arrêter
quelque part….
Bref, je m’autorise tout ce que je veux… Mais ce que je préfère, ce sont
les réflexions et attitudes des ouvreuses dans les salles privées. Et là
croyez-moi, c’est le pied !
Vous arrivez seule au Palais des Sports, immense
salle. Vous suivez l’ouvreuse et commencez à descendre les marches. Elle
se retourne et vous demande : ‘Vous êtes seule ?’ Vous avez envie de
répondre ‘Non, je suis venue avec l’homme invisible !’.
Après ce ravissement, elle vous désigne votre place et attend. Vous vous
dîtes, elle est si sympa ! Mais oui, il faut que je la paye pour sa
gentillesse ! Et elle attend, mais là se pose la question, combien elle
attend ?
Dans la rue, les mendiants quémandent 1 voire 2 Euro ! Mince ! Depuis
qu’on est passé à l’Euro, ça a plus qu’augmenté ! Vous imaginez, il y a 10 ans, des clochards qui vous
auraient demandé 10 Francs !
Alors évidemment devant une telle inflation, notre sympathique ouvreuse
s’attend certainement à recevoir 1 euro. Et là je me dis, 1 euro
pour 1 minute de services, cela fait 60 Euro de l’heure…
Voilà un job lucratif ! Je comprends maintenant pourquoi les ouvreuses
sont aussi sympathiques et charmantes.
Et nouveauté ! Il y a aussi des ouvreurs…
L’exaltation augmente. Vous vous rendez seule à une
lecture de roman américain au Théâtre de l’Odéon. Confort ! Vous
avez le siège de l’homme invisible pour y mettre votre manteau
et votre sac. Cela tombe bien, vous appréciez vos aises. Et cela
ne s’arrangera pas avec l’âge !
Et là, surprise ! Depuis l’autre entrée à la corbeille,
l’ouvreur vous intime l’ordre de vous décaler ! Oui, j’obéis
sans résistance, ni hésitation ! Que c’est bon de recevoir un
ordre d’un inconnu, devant un parterre d’autres inconnus ! Que
j’aime ça ! L’ouvreur avait succombé au charme d’un beau trentenaire et
l’a placé au beau milieu de la corbeille. Puis pendant toute la
lecture en français et en anglais, le nouveau-venu gratte sur
son cahier.
Quel
plaisir, d’entendre cet incessant ‘gratouillis’, pendant que tu
tires l’oreille au maximum, afin de saisir au vol les mots en
anglais et tenter de comprendre quelque chose !
Et le final me direz-vous ? Le gentleman se
lève avant la fin des remerciements et choisis ton côté pour
sortir, t’obligeant à te lever pour le laisser passer. Et là, si
tu oses lui faire comprendre qu’il a été bruyant, tu déranges
les spectateurs placés derrière-toi, ils te le feront entendre ! C’est ça qui est bon !
L’épilogue de cette petite histoire, est que
tu recroises le bellâtre rejoignant une très jeune blonde au
café du coin ! Comme quoi quand tu es beau, tu as tout !
Qu’est-ce qui se
passe alors quand au lieu de 2 places, tu en as 4 pour voir un
spectacle sur glace au Zénith ? Dilemme exquis, qui inviter ? Le choix est vaste et se fixe sur
une ancienne camarade de classe et ses jeunes filles.
Sur place, le coordinateur désigne l’ouvreuse qui nous mènera jusqu’aux
sièges. Déjà tu sens l’ivresse monter, tu invites tes amies, tu tends
les billets à l’ouvreuse, tout le monde trouve sa place et tu donnes ta
pièce. Et là, jubilation !
L’ouvreuse, toute maquillée, se redresse,
bombe le torse et claironne à qui veut l’entendre derrière toi
et sur les côtés : ‘Tut Tut TUUT ! Oyez, oyez !
Cette
dame ne me donne que 10 centimes….’
Et dans un geste magistral, elle retend la
main pour que tu récupères ta pièce. Et là, tu t’assois et tu
écoutes l’artiste, ébahie, devant tant de prestance !
Mais que se passe-t-il
lorsqu’il y a une erreur ? Lorsque la place donnée n’est pas la bonne ?
Jubilation
suprême ! Malheureusement pour moi, je suis passée à côté ! Pourtant je n’étais
pas loin...
Concert à la Cigale en juillet, salle pleine
et surchauffée. La jeune ouvreuse désigne de loin les places et
sourit beaucoup car sa poche se remplit à vue d’œil sans
fatigue.
Première partie, puis entracte. Tout le
monde semble installé. Les lumières se sont éteintes, l’artiste
est entré sur scène et commence sa première chanson.
Et là ! J’ai manqué cela ! Deux trentenaires
arrivent, mais pas en catimini ! Il ne reste qu’une place et ils
sont deux ! Que j’aurais aimé être à la place de cette femme !
S’entendre dire qu’elle doit dégager, qu’ils ont payé
leur place à la Fnac via Internet! Et cela dure, dure…. Pas de SAV possible, l’ouvreuse était partie
depuis longtemps.
Mais alors pourquoi cette femme
est-elle partie en pleurant en entrainant son mari hors de la salle de
spectacle? Pourquoi ce concert de sanglots ?
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